Skieur Magazine du 7 décembre 2007 - Arolla, le frigo Suisse

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arollablabla
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  Skieur Magazine du 7 décembre 2007 - Arolla, le frigo Suisse

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Arolla, une Suisse au-dessus de tout soupçon

Tout semblait plutôt simple et a priori réalisable: l'idée d'aller skier quelques jours à Arolla, au fin fond du Val d'Hérens, dans le valais suisse est à la portée de tout le monde. Pourtant, le trip a bien failli ne jamais commencer, ou plutôt se terminer prématurément dans le dernier virage avant ce petit village préservé et pittoresque à souhait.
Un bulldozer posé en travers de la route, un freinage limite sur chaussée glissante et une question aussi soudaine qu'incongrue: quelle raison a poussé un suisse à garer son chasse-neige en travers de la route ?

Avant même d'avoir pu échafauder une réponse, voilà qu'un local débarque en trois courbes depuis les pentes qui dominent la route, déchausse ses skis et saute dans la machine pour continuer le dégagement - en souliers de ski, comme on dit là-haut.
La personne en question c'est Dédé Anzévui, notre guide qui, à ses heures perdues (quand pistes et surtout bistrots sont fermés), s'occupe de déneiger la commune. Le problème, nous expliquera-t-il, c'est que qui dit déneigement dit neige. Et si neige il y a, il préfère en profiter fats aux pieds. Voilà pourquoi il est conseillé d'aborder les derniers virages avant Arolla avec retenue, au cas où Dédé soit allé faire une petite pause...

Le temps de faire connaissance rapidement autour d'un bol de vin blanc, et nous voilà partis à la découverte du domaine, de son potentiel et de sa configuration unique en son genre.

Tout d'abord, le décor

Une profonde vallée glaciaire, isolée et préservée, entourée de nombreux glaciers et sommets majestueux flirtant avec les 4000 mètres d'altitude. On a l'étrange sensation d'avoir été posé en plein milieu d'une carte postale...
Ensuite les remontées mécaniques: il s'agit de deux téléskis interminables, à la suite l'un de l'autre dans la montagne. Une installation minimaliste, presque un luxe rustique en cette période de course à l'armement, surtout quand on sait que ces deux machines dérisoires permettent de desservir un domaine balisé compris entre 2000 et 3000 mètres d'altitude... Déjà de quoi faire pâlir quelques usines à ski !
De plus, un seul versant de la montagne n'est réellement exploité, tout le reste est vierge, et ce ne sont pas les possibilités qui manquent.

Mais pourtant, mis à part les clubistes (terme suisse pour désigner les membres du Club Alpin, tricoteurs et autres collant-pipettes...), ce petit paradis n'est encore pas très fréquenté par les amateurs de hors-piste. A moins que ceux-ci ne s'encastrent systématiquement dans le bull' de Dédé, ou que ce dernier n'enterre par mégarde leur véhicule sous quelques tonnes de neige - choses qui sont déjà réellement arrivées.

Du haut des remontées (de la terrasse du bistrot, en fait), on comprend mieux toutes les possibilités: si le dénivelé entre le haut et le bas des remontées n'est "que" de mille mètres, on peut monter à presque 4000 et redescendre soues les 2000... Devant la terrasse, une première face saute aux yeux: les Tséna Réfien, pyramide de 3600 mètres striée de nombreux couloirs encore totalement vierges. Chacun pourra avoir le sien, et ça évoque un peu l'Alaska: 700 mètres de dénivelé et de la place en bas pour s'arrêter au cas où le manque de virages dans la face vous propulse à une vitesse déraisonnable.
Plus accessible, la "Combe des exhibitionnistes" est aussi un très bon moyen de se mettre en jambes moyennant quelques minutes d'effort. Egalement visible depuis la terrasse, elle est du coup le rendez-vous incontournable de Jean-Louis la Godille et de ses potes, qui profitent ainsi d'une minute de gloire certaine pour leur concours de virages face à la foule en délire (ou pas)!. Ceci dit, nous avons testé l'option "deux courbes et on en parle plus", et ça marche également pas mal.

Des runs de qualité

Mais il y a d'abord toutes les lignes accessibles par gravité à explorer. On bascule sur le versant opposé aux remontées et le cadre devient alors très vite sauvage et désert. Une piste parcours en solitaire le fond du Vallon de Pra Gra et permet déjà de bien repérer une série de lignes sur la face nord de Plan Tsardon, qui conserve la neige bien froide jusqu'au mois d'avril. Les runs sont courts mais de qualité, et certains s'entament par un jump qui vaut déjà son pesant de mètres.

Mais à Arolla, il est de coutume d'utiliser le domaine skiable pour mieux s'en échapper. Pour cela, depuis le sommet des téléskis, nous tirons une longue traversée vers la gauche en restant bien à niveau, afin de rattraper de grandes combes et des couloirs qui descendent sur les villages de Satarma et de la Gouille, en ça Arolla. Lorsque votre cuisse droite est totalement tétanisée, vous êtes au bon endroit, et plusieurs possibilités s'offrent à vous. On est ici totalement en dehors de la station, en pleine montagne, avec toute la responsabilité que cela implique.

Des runs à la pelle...

La grande classique est de remonter de quelques mètres sur la gauche afin de rejoindre une large combe se terminant par trois entonnoirs. Pour le premier run, préférez celui de gauche, les deux autres pouvant se terminer par de petites cascades de glace, surprenantes lorsque l'on arrive à Mach 12 et que l'on ne s'y attend pas. Vous rejoindrez le petit hameau de la Gouille en vous tirant la bourre à travers la forêt, qui représente un bon boardercross naturel. Attention de ne pas vous prendre un raquettiste ou un chamois en plein face, ils sont nombreux et semblent parfois prédestinés à une mauvais rencontre avec les riders (testé avec les chamois en tout cas).

Une multitude d'itinéraires sont possibles, il y a de la pente, les runs sont longs et le terrain pousse à la créativité. Il y aurait de quoi s'occuper pendant des journées entières dans ces faces variées et techniques, offrant souvent une virginité insolente alors que bien souvent la mode est au ski de bosses dans les grandes stations voisines. Mais les clés d'un tel paradis ne se trouvent pas dans une pochette-surprise, il est donc préférable d'être bien acompagné pour explorer le secteur.

Paradis du skieur

Dans tous les cas, vous rejoindrez l'un de ces petits hameaux qui bordent la route d'accès à la station. Celle-la même, que vous avez tant maudite à la montée, devient donc un atout énorme à la descente. Associée aux téléskis, elle permet en effet de profiter d'un vaste terrain aux nombreuses possibilités. D'ailleurs, la remontée débrayable la plus rapide et confortable du Valais sera mise en service dès cet hiver sur ce secteur !

Pour regagner Arolla sans moisir le pouce en l'air, il suffira d'appeler l'Hôtel Kurhaus, et une navette viendra vous chercher illico. Que demande le peuple ?

Le peuple on n'en sait rien mais une chose est sûre: Dédé demande à boire ! Notre guide à la conscience professionnelle sans faille, veille de très près à notre hydratation. Du coup, entre deux rotations, une pause s'impose à l'Hotel pour dire bonjour à la Dame de Sion. Cette dernière n'es pas une citadine mais un vin blanc local qui fait son effet, surtout lorsque Peter, le responsable de l'hôtel, débarque avec sa collection de génépis, sur laquelle il a bien entendu besoin de notre avis. Heureusement que les contrôles d'alcoolémie ne sont pas encore d'actualité en bas des remontées, car nous aurions régulièrement été obligés de monter à pied!

Quoique...

A Arolla, il existe un autre moyen de regagner les hauteurs en un temps record. Certains ne viennent d'ailleurs que pour ça. Une base hélico est en effet installée à la sortie du village. Comme partout en Suisse, l'héliski est réglementé et ne peut se faire que sur des points de dépose bien précis - en l'occurrence, le Pigne d'Arolla. Du haut de ses 3796 mètres ce sommet emblématique, situé sur le chemin de la mythique Haute-Route Chamonix-Zermatt est le point de départ d'une multitude d'itinéraires freeride. Il y en a pour tous les goûts, de la balade tranquille aux lignes extrêmes. Le potentiel est bien réel, et le cadre absolument grandiose. Du sommet, nous restons scotchés devant le panorama qui s'offre à nous: Mont Collon, Cervin, Dent d'Hérens, Mont Blanc de Cheillon, etc.

Comme des gamins, on s'imagine poser nos spatules sur toutes ces faces, on visualise toutes les lignes qu'il y aurait à tracer, des plus évidentes aux plus inimaginables. Dédé, lui, n'a plus besoin d'imaginer. Bien qu'il regarde toujours ces montagnes avec la passion des premiers jours, il est ici dans son jardin: toutes ces faces, il les a ridées, surtout celles auxquelles on avait pas pensé d'ailleurs. Mais pour le moment, ce qui nous attend aura largement de quoi nous faire attendre le nirvana: une poudreuse sans fond en plein mois d'avril, 2000 mètres de dénivelé pour des kilomètres de ride non-stop au milieu des séracs, du très très grand ski.

La station d'Arolla, petite par la taille de son village et des ses installations, mais tellement grande par l'appétit de ses habitants et le domaine auquel elle donne accès, est définitivement un spot à part. Ce lieu authentique propose l'essentiel, juste l'essentiel: des montagnes à perte de vue, et quelques outils pour mieux les parcourir.

Si on ajoute à cela un rythme de vie loin d'être stressant, et quelques autochtones aussi atypiques qu'attachants, on se dit finalement que "Arolla", c'est peut-être bien la définition du bonheur.

par Seb gardies et Benoît Vollmer
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