Horizonte sept. 07 - Quel avenir pour les neiges éternelles?

Articles interceptés dans les médias
Répondre
arollablabla
Agitateur
Agitateur
Messages : 3257
Enregistré le : 04 juin 2007, 16:37
Facebook : arollablabla
Localisation : Rond-Point Arolla
Contact :

  Horizonte sept. 07 - Quel avenir pour les neiges éternelles?

Message non lu par arollablabla »

Image

L’eau issue de la fonte des neiges est une précieuse ressource dans de nombreuses zones arides de montagne. Quel peut être l’impact d’une modification du climat sur sa disponibilité ? Horizons a suivi des scientifiques qui cherchent à le mesurer.

Sous un ciel déjà bien gris, l’hélicoptère remonte rapidement le val d’Arolla et contourne la masse imposante du Mont Collon. A travers la bulle de plexiglas, les ravages causés au manteau neigeux par la douceur exceptionnelle du mois d’avril 2007, le plus chaud et l’un des plus secs depuis 1865, sont flagrants. La fonte a près d’un mois d’avance. Se dressant sur le haut glacier d’Arolla, la station météorologique fournit un excellent point de repère au pilote qui pose sa machine à proximité. Skis et sacs à peine déchargés, il nous quitte dans un tourbillon blanc.Au loin un groupe de skieurs se dirige vers le col du Mont Brûlé. Nous sommes sur le parcours de la Haute Route qui relie Chamonix à Zermatt. Mais aujourd’hui, ce ne sont pas les joies de la glisse qui réunissent les chercheurs qu’accompagne Horizons.

Réserve d’eau temporaire

« La neige et la glace que l’on trouve en altitude représentent une réserve d’eau temporaire, explique Ruzica Dadic, doctorante à l’Institut de génie environnemental de l’EPFZ. Ce stockage provoque un découplage partiel entre précipitation et écoulement». Grâce aux bisses, ce découplage a permis le développement de l’agriculture en Valais central, région la plus aride de Suisse. Sans glaciers, la sécheresse estivale empêcherait la croissance des cultures. Les barrages hydro-électriques en profitent également. Vides au printemps, ils se remplissent au cours de l’été grâce à la fonte et sont pleins à l’automne, prêts à produire leur énergie en hiver, quand demande et prix sont au plus haut.
Mais quelle serait l’influence d’une disparition des neiges éternelles, d’une hausse de la limite pluie-neige ou d’un changement du régime des précipitations sur la disponibilité de cette précieuse ressource? L’eau coulerait-elle toujours au bon endroit et au bon moment pour irriguer les cultures? Le remplissage des barrages concorderait-il avec les besoins en électricité?

Scénarios météorologiques

« Afin de répondre à ces questions, nous développons un modèle permettant de suivre l’évolution du volume de neige et de glace de ce bassin versant en fonction des conditions météorologiques et de calculer le débit d’eau au niveau du portail glaciaire, commente la chercheuse. Lorsque le modèle sera au point, nous pourrons y injecter des scénarios météorologiques et en voir l’influence sur l’écoulement. » La région étudiée est découpée en zones de 10 mètres carrés. Le modèle calcule l’accumulation ou l’ablation de la neige et de la glace pour chacune d’entre elles. Bien que de tels modèles existent déjà, ils ne fonctionnent que dans des régions relativement planes. Ici, le relief tourmenté complique tout : les précipitations sont plus importantes sur les crêtes qu’au fond des vallées, le vent et les avalanches déplacent de grandes quantités de neige. Autant de paramètres à prendre en compte, autant de complexité rajoutée au modèle.
Le haut glacier d’Arolla est idéal pour tester ce modèle. De nombreux groupes de recherche l’étudient depuis plusieurs années, si bien que de nombreuses données sont déjà disponibles. De plus, ses eaux sont captées par le réseau de la Grande Dixence qui en mesure le débit en continu.
L’ambiance est au foehn, de lourds nuages débordent déjà du versant sud des Alpes. Ruzica Dadic forme les groupes et distribue les tâches à effectuer. Cornelius Zenn et Matthias Meier s’en vont contrôler la caméra automatique. Elle prend quotidiennement une photo géoréférencée du glacier. Chaque pixel correspond à un point du terrain dont les coordonnées sont connues. L’analyse de l’image permet de ranger chaque point dans les catégories roche, neige ou glace et de suivre l’évolution de la fonte.

Simple sonde graduée

Paolo Perona et deux étudiants s’occupent de relever l’épaisseur du manteau neigeux sur la partie inférieure du glacier à l’aide d’une simple sonde graduée. Ruzica Dadic s’attelle à télécharger les données de la station météorologique : température de l’air, humidité relative, rayonnement, vitesse et direction du vent, hauteur de la neige, température de surface de la neige ou de la glace sont mesurés en continu. Alors que ses données permettent de valider le modèle, celles provenant des deux stations situées hors du glacier servent à le
faire tourner. Afin de me réchauffer, je commence à creuser une tranchée pour dégager un profil de neige. J’atteins rapidement la glace: seuls 70 centimètres de neige lourde et humide la recouvrent. La chaleur du mois d’avril en a oblitéré toutes les structures. Ruzica Dadic en mesure la densité à différentes profondeurs. La densité est l’un des deux paramètres permettant de connaître la masse d’eau stockée sous forme de neige. A bord de l’hélicoptère qui survole le glacier, une équipe de géomaticiens s’affaire à déterminer le second, à savoir le volume de neige.

Radar optique

A l’aide d’un radar optique (voir Horizons 71, p. 27), ils mesurent la topographie du bassin afin de créer un modèle numérique de terrain (MNT). Pour un point donné, la différence d’altitude entre deux MNT, réalisés à la fin de l’automne et au début du printemps, donne la hauteur
de neige accumulée à cet endroit. En connaissant cette valeur pour l’ensemble du bassin, il est facile de calculer le volume de neige. Les différentes équipes se contactent régulièrement par radio.Tout est en ordre du côté de la caméra et les sondages avancent bien. A la fin de la journée, l’épaisseur de la neige aura été mesurée à plus de 100 endroits différents. Ces données permettront de contrôler la précision du MNT. En début d’après-midi, les nuages s’accrochent de plus en plus au relief. Tout le monde se retrouve sur la moraine. La neige se met à tomber de plus belle et le repas est vite avalé. Prochaine étape, mettre la station à bonne hauteur. Celle-ci peut en effet coulisser le long d’une structure en aluminium. Cela évite de la voir enfouie sous la neige ou perchée en équilibre précaire au-dessus de la glace. Cette tâche accomplie, l’équipe
se met en route vers le refuge des Bouquetins tout en effectuant des relevés au passage.

Aléas du travail de terrain

Le poêle réchauffe rapidement l’exigu octogone de bois surplombant le glacier. La soirée se passe autour d’un risotto à échanger souvenirs et anecdotes de précédentes sessions de terrain dans un joyeux mélange d’allemand, d’italien, de français et d’anglais. Dehors, la tempête prend de l’ampleur. Le vent fait grincer notre abri toute la nuit.Au matin, les 50 centimètres de neige fraîche qui jonchent le sol et un brouillard à couper au couteau nous signifient clairement l’impossibilité de poursuivre les travaux. Le retour sur Arolla, les yeux rivés sur le GPS, suffira amplement à remplir la journée.

Philippe Morel
SNF magazine - Horizonte, Septembre 2007
Répondre