A un mois de la Patrouille des glaciers, l'armée a réitéré ses cours de préparation à Arolla pour sensibiliser les coureurs au monde alpin.
Les combinaison colorées contrastent avec le gris-vert à l'aube, ce vendredi matin. Sur le parking de l'usine hydroélectrique d'Arolla, une douzaine de randonneurs s'apprêtent à prendre le chemin de la cabane Bertol. Un nid d'aigle perché à 3300 mètres d'altitude, 1300 mètres plus haut.
Devant eux, leurs profs, des militaires membres du bataillon de spécialistes alpins d'Andermatt - parmi lesquels des guides de montagne - donnent le rythme. "Enfin, quand on arrive. J'en avais deux la semaine dernière, des machines, impossible de suivre", nous raconte le soldat Martin Pidoux, Fribourgeois d'origine. Nos braves recrues encadrent en effet des coureurs sélectionnés pour la Patrouille des glaciers, d'Arolla ou de Zermatt. Dans un plus d'un mois, ils s'élanceront dans ce défi fou.
Pour s'y préparer, ils ont choisi de prendre part à trois jours de formation organisés par l'armée, pour apprendre à connaître l'environnement de leur course, la montagne, et laisser tomber les entraînements physiques. Cela n'empêchera pas, à peine les peaux collés et les skis chaussés, aux différences de niveaux de se démarquer. "C'est fou comme ils vont vite au plat", commente pour sa part le premier lieutenant Lucien Kolly alors que les petits groupes se dirigent vers le pied de l'immense Mont-Collon. Une cathédrale de roche surplombée par de menaçants séracs.
Connaître l'autre montagne
Lors de cette ultime journée, ils mettent en pratique les connaissances acquises les deux jours précédents. S'ils n'ont pas prévu de traverser des glaciers ou de franchir des arêtes, ils ont alourdi leur sac avec piolets, cordes, cordelettes et portent tous un baudrier. "Parce qu'ils n'évoluent pas sur un parcours balisé et qu'on ne sait jamais ce qu'ont peut devoir affronter en montagne. Ces cours de formation offrent une technique de base de la montage. On doit leur faire comprendre qu'il y a la compétition de ski-alpinisme et la montagne. Il y a deux manières de l'aborder, comme il y a deux équipements et deux sacs", ajoute le sergent-chef Eric Charrière.
Hors de question cependant de mettre les deux "disciplines" en opposition. "On ne leur dit pas c'est nul d'évoluer en combinaison collante avec du matériel léger. On leur montre simplement autre chose", poursuit notre trio de militaires gruériens. Ces propos font écho à ceux du commandant de la Patrouille des glaciers, Max Contesse, qui appelait à "Rendre la Patrouille aux montagnards". Les hommes en sont conscients et, sans refaire le débat, ils espèrent qu'ils auront appris aux participants à "faire le lien" entre la course et l'univers dans lequel ils évoluent. Surtout, ils espèrent que cela les encouragera à aller plus en avant. Acquérir d'autres compétences et comprendre que la montagne seule ne se conçoit pas sur le calque d'une compétition chronométrée et sécurisée, aussi technique soit-elle.
Attraper le virus
Une chute dans une pente gelée, sans gravité, sera le seul incident du jour. Mais ce n'est pas cela que les participants retiendront. Ni même les conversions hasardeuses sous les pentes de la cabane. Ils garderont un esprit de cordée. Une tasse de thé tendue, un bras pour se relever. Une solidarité bâtie en trois jours. Il n'y avait qu'à les entendre sur le promontoire de la cabane. Le paysage qui 'est ouvert devant eux leur a offert la Dent-Blanche, le Cervin et la Dent d'Hérens à portée de mains. Récompense d'un premier apprentissage fait dans les règles de l'art. Un émerveillement intact qui, pour beaucoup, se changera en virus. Un virus enivrant auquel il ne faudra pas oublier d'adjoindre une part de raison, pour éviter les complications.
Julien Wicky
Plus de 1300 mètres de dénivelés du départ d'Arolla au dernier échelon menant à la cabane de Bertol
Découvrez ou redécouvrez le panorama de la Cabane de Bertol
-> http://www.arolla.org/trek/cabbert.php