Discussions scientifiques libres
Septante spécialistes dont un prix Nobel se réunissent pour discuter biologie moléculaire. Un séminaire alternatif et ouvert depuis 1972!
Ils sont des sommités dans leur secteur. Et ont rejoint les sommets. Leur domaine de prédilection, la biologie moléculaire. Leur terrain de jeu, Arolla. Leur but, échanger des connaissances. Depuis mardi, pas moins d'une septantaine d'étudiants, doctorants, chercheurs, professeurs et directeurs d'instituts se sont donné rendez-vous au pied des glaciers, à 2000 mètres d'altitude, à l'Hôtel Kurhaus. Mieux. Durant toute la semaine, une grosse pointure, Linda Buck, prix Nobel 2004 pour sa découverte sur les récepteurs olfactifs, a fait le déplacement de Seattle.
Mais pourquoi le fond du Val d'Hérens ? "C'est un lieu idéal", explique Klaus Scherrer, fondateur de ces rencontres et directeur de recherche au CNRS en France. "Arolla constitue un meeting alternatif." Depuis 1972! A tel point que la petite station est devenue une référence dans le monde de la biologie moléculaire qui compte des centaines de conférences de ce type. Explication. "L'atmosphère y est relaxante. On a un grand sentiment de liberté. De plus, l'hôtel fonctionne comme un entonnoir où tout le monde redescend. A Paris, on se perd facilement au Moulin rouge", sourit Klaus Scherrer tombé amoureux de la région.
L'organisateur principal du séminaire, le neurogénéticien Ivan Rodriguez, renchérit. "Ici, les gens restent ensemble et se parlent." Et le gros avantage, c'est que tout le monde se rencontre, vu le nombre relativement restreint de participants.
Les conférences ont lieu en matinée et le soir. L'après-midi est libre. Les scientifiques prennent donc la direction des sommets:lac Bleu, cabane des Vignettes ou Pas-de-Chèvres. "Les marches ouvrent l'esprit et permettent un dialogue plus libre", relève Ivan Rodriguez. Les discussions sont d'autant plus ouvertes qu'il n'existe pas de "proceeding", c'est-à-dire de traces écrites du séminaire d'Arolla. "On peut parler de choses très récentes entre différents camps scientifiques sans craindre d'être dévalisé de ses idées et de se faire scooper."
Approcher un prix Nobel
L'échange d'information est donc très important. Il débouche sur des collaborations originales ou des idées d'expériences nouvelles et va au-delà d'un certain consensus sur la vérité scientifique. D'où la bonne renommée d'Arolla qui a permis d'intéressantes avancées, notamment dans le domaine de la génétique. De plus, il n'est pas facile pour un étudiant d'approcher un prix Nobel dans les milieux universitaires. L'inhibition devant la personne qui fait autorité est monnaie courante. Dans les jardins de l'Hôtel Kurhaus, la relation est facilitée par la spontanéité des échanges et la qualité de l'environnement, comme se plaît à relever le Nobel Linda Buck.
Mais que l'on ne se trompe pas. Le caractère décontracté du séjour ne tourne pas en une simple semaine de villégiature. "L'aspect traditionnel avec son côté raclette-fendant s'est un peu perdu au fil des ans", semble regretter le fondateur Klaus Scherrer. Mais "aussi longtemps que des discussions constructives se dérouleront sous les arolles, l'esprit d'Arolla survivra".
Pascal Fauchère
