Les purges de la controverse
Zone alluviale - Des habitants de la région d'Arolla affichent leur mauvaise humeur et en appellent à la sauvegarde du patrimoine. En cause, les purges des infrastructures de Grande Dixence
Ils sont fâchés les habitants du vallon d'Arolla. Motif de leur courroux, les grandes quantités de gravats qui sont amenés dans la zone alluviale, lors de purges des dessableurs et dégraveurs sur les prises d'eau de Grande Dixence par Hydro-Exploitation. Avec les pluies récentes, la société qui gère et assure la maintenance des infrastructures liées aux collecteurs d'eau et au barrage a dû faire face à une situation particulière.
La goutte qui a fait déborder le vase remonte à dix jours où limons et galets se sont répandus dans cette "plaine" d'altitude entre Arolla et Satarma. Une gouille qui fait office de pisciculture à Pramousse a été endommagée et des sédiments ont été déposés à quelques mètres d'une ferme. Voilà pour la goutte. Reste le vase.
Prés menacés
"La gouille de Pramousse représente aussi le seul point d'eau conséquent, le seul réservoir dans le vallon en cas d'incendie de forêt ou de mayen notamment", prévient le guide André Anzévui. "Et dans la région, les forêts de protection, c'est vital." Plus largement, la route et les propriétés situées à proximité de la Borgne seraient menacées. "Il n'y a pas de débits suffisants pour évacuer limons et gravats", tonne Jean-Michel Quinodoz, éleveur et propriétaire foncier. Selon lui, le secteur a été envahi petit à petit alors que l'on a tenté durant des siècles de se préserver des assauts de l'eau. "Il y a une quinzaine d'années encore, les vaches pouvaient paître dans ou à proximité de la zone alluviale. Aujourd'hui, on assiste à un amoncellement de cailloux et de sables supérieur au niveau des prés situés de l'autre côté de la route. En cas de fortes précipitations, tout sera inondé. Sans compter que l'atteinte au paysage est importante dans ce haut lieu touristique. On se demande si Hydro-Exploitation ne privilégie pas Zermatt au détriment du val d'Hérens..."
Deux poids, deux mesures ?
Autre motif majeur d'inquiétude, la route cantonale "rongée par ces purges" qui nécessite ponctuellement des consolidations. "La déplacer? On se trouvera alors plus proche d'un danger d'avalanches", lance André Anzévui qui rappelle qu'une piste de ski de fond passant dans le secteur venait d'obtenir son homologation FIS. "Elle est sous les gravats désormais et les ponts enjambant la rivière ne sont même plus au bon endroit..."
Les deux hommes qui se réclament de la défense du patrimoine n'en veulent pas aux électriciens. Mais ils ont un goût amer d'injustice. "On ne se sent pas traités correctement", déplore Jean-Michel Quinodoz. "Impossible d'intervenir dans une zone alluviale, dit-on. Mais Hydro-Exploitation protège très facilement les pylônes de sa ligne à haute tension. Nous, on ne peut que regarder les prés entretenus par nos ancêtres se noyer."
Pascal Fauchère
"L'évènement est très rare en cette saison"
Michel Follonier, directeur de l'usine de pompage d'Arolla
Les purges effectuées dans la nuit du 12 juin étaient de grande ampleur pour la période. Les jours précédents, il y a eu un long épisode de foehn. Avec la fonte des neiges, les débits des cours d'eau ont augmenté. Au niveau de la Grande Dixence, nous sommes arrivés à un pic de 6,5 millions de mètres cubes en 24 heures alors qu'habituellement, en juin, on ne dépasse par les deux millions. C'est un évènement très rare en cette saison. Nos installations de pompage ont fonctionné à fond. Reste qu'un charriage exceptionnel s'est accumulé sur les hauts d'Arolla avec, comme conséquence, des purges automatiques qui se sont déclenchées deux nuits successives. Par contre, ce genre de purges est relativement banal au coeur de l'été. L'élément qui a donné davantage de visibilité au phénomène est que des dépôts sédimentaires, sortes de petites digues naturelles, ont cédé par endroits,m modifiant quelque peu le paysage. PF
"Les seules interventions autorisées ont lieu en cas de danger"
Pierre Schaer, directeur de Grande-Dixence, propriétaire des installations
Les exploitants/propriétaires hydroélectriques auraient seuls le droit d'intervenir
Contrairement à ce que l'on prétend, nous n'avons pas le droit d'intervenir dans cette zone reconnue sensible qu'est Pramousse-Satarma. En accord avec le canton, les seules interventions autorisées ont lieu en cas de danger pour la ligne située en limite de la zone alluviale.
Ces actions d'urgence nous permettent de sauver la ligne, donc le pompage de l'eau et par voie de conséquence la sécurité en aval.
Les exploitants/propriétaire hydroélectriques privilégieraient le Mattertal et "noyeraient" le val d'Hérens...
Toute l'eau pompée à Zermatt est envoyée au barrage de la Grande Dixence. Relâcher de l'eau en cours de route est un non-sens technique et économique. Lors des intempéries d'octobre 2000, peut-être avons-nous dû, tout au plus, réduire le pompage sur Arolla pour éviter une surcharge du grand collecteur en provenance de Zermatt. Avec le système de gestion des crues, Minerve, ce genre d'opération se ferait sur ordre de l'Etat du Valais et de la police cantonale. PF
Zones alluviales, Revoir la gestion
Le secteur Pramousse-Satarma figure depuis 1992 à l'inventaire des zones alluviales d'importance nationale. L'ordonnance fédérale stipule dans ses recommandations que "le nettoyage et la remise à l'état initial des surfaces recouvertes de sédiments va généralement à l'encontre des objectifs visés par la protection, tout comme la consolidation de talus récemment érodés, la protection de pâturages inondables à l'aide de digues construites avec des matériaux meubles ou encore la déviation ou l'assèchement des cours d'eau." Autrement dit, la priorité est accordée à l'espace nécessaire à la rivière. Si les exploitants hydroélectriques disent respecter les débits minimaux, ces derniers ne sont plus suffisants pour évacuer les dépôts de charriage, toujours plus importants en raison notamment de la fonte des glaciers. Un concept d'assainissement des cours d'eau est en voie d'élaboration qui concerne le canton, les communes et les électriciens. L'objectif est de coordonner la sécurité des personnes et des biens, la gestion des sédiments et la préservation de l'environnement. Une gestion des sédiments qui pourrait passer par un curage périodique... PF
La Borgne d'Arolla avec au fond la gouille de Pramousse
