Entre tradition et modernité, nos cabanes balancent
MONTAGNE - Les refuges dernier cri divisent le monde des montagnards. Dans ce débat, une jeune ethnologue valaisanne s'efforce de faire la part du fonctionnel et de l'affectif.
"Les cabanes de montagne ont deux architectures: l'une se voit, l'autre pas." Cette double image est abordée dans un mémoire de l'Université de Neuchâtel prochainement publié. Primé, ce travail est l'oeuvre d'une Valaisanne, Fabienne Défayes. Elle y montre, au travers de trois cabanes du canton, la Tsa, les Vignettes, dans la région d'Arolla, et Rambert, au-dessus d'Ovronnaz, qu'il y a toujours une part de rêve, d'imaginaire, dans la construction d'un refuge de montagne. Dans cette véritable enquête de terrain, les témoignages qu'elle recueille évoquent tous une "réalité à part."
L'idéal du vieux chalet
Les importantes rénovations mais aussi les constructions et projets pharaoniques en montagne ont motivé la réalisation de ce mémoire. "Dans la tête des gens que j'ai rencontrés, une cabane devait toujours être petite, simple, avec un feu de cheminée. Pourtant toutes les constructions vont dans l'autre sens, l'agrandissement, le moderne, les chambres séparées", explique Fabienne. Les trois cabanes qu'elle a sélectionnées ne l'ont pas été par hasard. La Tsa se caractérise par son authenticité revendiquée. La cabane des Vignettes, située sur le tracé de la Haute-Route, a été rénovée et modernisée en 2008. Enfin, la cabane Rambert devrait accueillir une extension futuriste ces prochaines années. "Depuis la nouvelle cabane du Mont-Rose, il y a un débat sur l'authentique qui doit être conservé. D'un autre côté, les normes de construction sont plus strictes et les randonneurs se font toujours plus nombreux", détaille cette diplômée en ethnologie.
Allier modernité et tradition
C'est tout l'enjeu des travaux entrepris dans les cabanes. L'exemple qu'elle retient est celui des Vignettes. "Plus de cent personnes y passent chaque jour pendant les périodes de haute fréquentation. Au moment des travaux, une cuisine ultramoderne a été réalisée. Pour répondre aux normes d'hygiène d'abord et puis pour des raisons fonctionnelles."
Cependant, l'aspect traditionnel n'a pas disparu pour autant. Le gardien en est le garant. "Toutes les personnes que j'ai interrogées aux Vignettes saluaient les efforts de Jean-Michel Bournissen et de son épouse Karine. Malgré la fréquentation, ils prennent toujours un moment pour partager du temps avec les visiteurs, on est bien loin de l'image d'un restaurant d'altitude", analyse encore Fabienne Défayes. Elle a à coeur d'insister sur ce métier des gardiens. "Ce mémoire est un peu une manière de leur rendre hommage. Tous sont attachés à leur cabane comme à leur maison. Ils l'imprègnent de leur personnalité. Ils s'accomodent de l'évolution moderne mais veulent y conserver une âme."
Esprit, es-tu là?
Fréquemment, on attribue à la montagne et aux refuges une sorte de dimension particulière, un esprit. "Mes interlocuteurs évoquent tous des valeurs comme des liens très forts d'amitié qui peuvent se créer lors d'une soirée en cabane. Pour certains, des constructions trop modernes, trop proches de ce qui se fait "en bas", risqueraient d'anéantir cet esprit", note Fabienne.
A la Tsa, petite cabane en pierre, on met particulièrement en avant cet aspect préservé. Cette dimension prend un tel poids que les architectes en tiennent compte pour les rénovations. C'est le cas à la cabane Rambert. Dans un entretien avec un architecte, Fabienne Défayes souligne cet aspect: "La Rambert est une icône. La cabane que l'on imagine. Elle doit rester simple, elle sera confortable mais pas luxueuse, sans perdre l'authentique."
Un modèle à suivre.
Julien Wicky
"La cabane de la Tsa est souvent référencée comme un modèle d'authenticité. Sa gardienne, Danièle Pralong, y est depuis 25 ans."
"La cabane des Vignettes, rénovée en 2008, a su allier le moderne et le traditionnel, grâce notamment aux gardiens."